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Concèze

PAYZAC
en Dordogne dans l'Aquitaine

LA PAPETERIE DE VAUX - MALHERBEAUX 

Située en Dordogne septentrionale, aux confins du Limousin, dans la vallée de l'Auvézère, près de Payzac, la papeterie de Vaux-Malherbeaux est crée en 1861
sur l'emplacement de deux anciennes forges.
A Malherbeaux est fabriquée la pâte à papier à partir de paille, laquelle est transformée en papier à Vaux.
Après des périodes d'essor, de difficultés et d'adaptation, la papeterie cesse toute activité en 1968.
Le site de Vaux, témoin de l'ère industrielle du siècle dernier, est en cours de valorisation.
Dans un excellent article paru en 1994 dans le bulletin de la SHAP, Francis A. Boddart expose le résultat de ses recherches sur la papeterie de Vaux-Malherbeaux.

UNE PAPETERIE SUR L'EMPLACEMENT DE DEUX ANCIENNES FORGES Deux sites métallurgiques : Malherbeaux et Vaux

 La forge de Malherbeaux
La forge de Malherbeaux, édifiée sur le cours de l'Auvézère dans la paroisse de Payzac, est mentionnée au XVIème siècle.  Ancienne dépendance de l'abbaye de Saint-Martial de Limoges, elle devient la propriété des Combescot au XVIlème siècle.  Cette forge avec haut-fourneau rivalise d'importance avec celle de Savignac et de Miremont.  A l'aube de la Révolution française, elles approvisionnent avec Payzac, la manufacture d'armes de Tulle.

La forge de Vaux
La forge de Vaux, de taille plus modeste, est située à quelques centaines de mètres de Malherbeaux, sur le ruisseau des Belles Dames, affluent de l'Auvézère.  Installée sans doute dès le XVllème siècle, c'est une affinerie appelée aussi "forge à fer"

Des familles de maîtres de forges

En 1806, les deux forges de Vaux et de Malherbeaux sont aux mains de Jean Combescot, prêtre de la paroisse d'Excideuil et maître de forge... En janvier 1818, les deux forges déclarées "en mauvais état" sont cédées à Bernard Bon, qui transmet à son tour l'exploitation des deux forges à son fils aîné.  En 1839, la forge de Malherbeaux est affermée à Hippolyte Bon qui reçoit en 1841 la propriété de la forge de Vaux.

Une reconversion dictée par la conjoncture économique.
Le déclin des forges traditionnelles
Au milieu du XIXème siècle, la plupart des forges du Périgord sont dans une situation difficile.  C'est le cas de la forge de Malherbeaux dont la production diminue faute de débouchés suffisants.  Le traité de libre-échange signé entre la France et l'Angleterre en 1860 porte un coup mortel aux maîtres de forges périgourdins.  Ils ne peuvent pas lutter face à la concurrence des installations métallurgiques britanniques plus productives, offrant des fers à moindre coût.

Des conditions favorables pour le papier de paille

A la même période, les fabriques de papier de paille sont au contraire, en pleine expansion. La paille de seigle offre une matière première avantageuse, le seigle, céréale des terres acides et pauvres est cultivé abondamment dans cette région du Périgord - Limousin sur les sois granitiques. Il présente une paille de grande longueur, riche en cellulose.  Les fabriques de papier de paille tendent à supplanter les fabriques de papier-chiffon, dont la matière première est devenue trop chère.

La création de la papeterie de Vaux-Malherbeaux

En 1861, Camille Bon, héritier d'une puissante famille de maîtres de forges d'Excideuil, frère cadet d'Hippolyte Bon, fait une demande de conversion de la forge à fer de Vaux, en usine propre à la fabrication de papier de paille.  En 1863, une société est crée dont l'objet est : "le commerce des papiers de paille et des fers fabriqués dans les usines de Vaux et Malherbeaux". Camille Bon apporte l'usine à papier de paille de Vaux ;  Alfred Dumas de Lavareille, la forge de Malherbeaux pour la fabrication des fontes et des fers  ;  Julien Anglard, des fonds ruraux et 25 000 francs en marchandises.  L'usine est réglementée par arrêté préfectoral du 3 mars 1863.

La papeterie en proie à des difficultés

Des inondations à l'origine de dégâts très importants

Le 14 octobre 1876, la papeterie de Vaux doit cesser toute activité à la suite d'importantes inondations.  "La digue de l'étang a été emportée ainsi que la papeteries De même, "l'usine de Malherbeaux est en partie détruite, matériel compris".

Deux sites complémentaires pour la fabrication du papier de paille

En 1878, la société "Bon, Anglard et compagnie" est dissoute, Camille Bon se porte acquéreur pour 25.000 francs de la totalité de l'actif de la société.  Un de ses fils, Félix, acquiert les droits sur Vaux et Malherbeaux.  Dans le contrat, on peut lire : "L'usine à papier paille forme deux exploitations séparées et reliées entre elles par une route, d'un parcours de quinze cent mètres environ... l'exploitation de Vaux située sur le ruisseau d'Anglard sert à la conversion des pâtes en papier jaune...,  et celle de Malherbeaux, est destinée à la macération et à la trituration des pailles qui y sont réduites en pâte...".

Après une dégradation de la situation financière de Félix Bon, celui-ci doit déposer son bilan le 23 février 1893.  La papeterie est rachetée le 9 août 1893 par Paul Martial Dieuaide et Jean Ragot qui créent la société "Dieuaide et Cie".

LA PAPETERIE "DIEUAIDE ET Cie" (1893 - 1919)
La remise en état de fonctionnement de la papeterie
Paul-Martial Dieuaide est un homme d'affaires qui entretient d'étroites relations avec la plupart des fabricants de papier de paille de la région.  Jean Ragot est issu d'une famille de papetiers de Saint-Léonard-de-Noblat dans la Haute-Vienne.  Les nouveaux propriétaires remettent l'usine de Vaux en état avec des capitaux empruntés.  Les travaux d'aménagements qui  "ont pour effet de relever le plan d'eau de 0, 10 m à 0, 15 m" suscitent l'opposition de plusieurs riverains.

Après une enquête administrative, l'usine de Vaux est réglementée par arrêté du 6 juin 1896.  "L'usine de Vaux est pourvue, d'un déversoir de 12,3 mètres, constitué en une maçonnerie de pierre schisteuse bâtie sur le rocher.... d'une vanne de décharge conduisant l'eau à deux roues à augets qui font mouvoir les machines à papier de paille de seigle".

L'activité papetière au début du XXème siècle.
Les matières premières
La paille provient en grande partie de la région de Lanouaille.  Les achats de paille sont croissants jusqu'à la veille de la première guerre mondiale (540 tonnes par an en moyenne en 1898/1899 à 730 tonnes en 1910/1911) - La fabrication du papier paille nécessite aussi de la chaux qui sert à activer la macération de la paille (17,5% du tonnage de paille) et du charbon (7 % du tonnage de paille) -

Evolution de la production

La production du papier paille est devenue une spécialité limousine.  La production annuelle est de l'ordre de 50 millions de tonnes au début du siècle.  En 1896, la papeterie de Vaux-Malherbeaux fabrique près de 350 tonnes de papier, 500 tonnes en 1913.  La production est perturbée par la première guerre mondiale.  Le jeune Léon Ragot est mobilisé.  L'activité est arrêtée de mars 1915 à septembre 1915.  Après une légère reprise, la papeterie est à nouveau fermée en 1917.  La production reprend après le retour de Léon Ragot en janvier 1919

Des débouchés dans le domaine alimentaire

Le principal débouché du papier paille est celui des bouchers.  Il restera essentiellement papier d'emballage et de cartonnage.  La Société Générale des Papeteries du Limousin fait référence au décret  du 28 juin 1912 dans ses publicités pour le papier de paille "Epi d'or".  On peut lire :  "L'hygiène la plus élémentaire exige l'emploi du papier paille.  Le décret du 28 juin 1912 interdit de placer en contact direct des papiers usagers manuscrits ou imprimés en noir ou en couleur, les denrées alimentaires humides ou grasses.  Qu'il s'agisse de volailles, viandes, poissons, beurre, graisses, légumes et fruits frais, l'emploi du papier paille est nettement et formellement indiqué.  Il y a donc lieu de proscrire rigoureusement l'utilisation des papiers souillés, parce que ces papiers sont extrêmement dangereux pour la santé publique... Propreté, légèreté de manipulation (il ne pèse que 90 grammes ou 75 grammes au mètre carré), il ne multiplie pas le poids des provisions...".

LA PAPETERIE RAGOT (1919 - 1968)

A son retour d'Allemagne en 1919, Léon Ragot prend la succession de son père et rachète pour un montant de 48 000 francs, les parts de Paul-Martial Dieuaide.

"L'âge d'or" de la papeterie  dans les années vingt
Prospérité et diversification des débouchés
Entre 1921 et 1927, le chiffre d'affaires de la papeterie triple.  Les départements de la Haute-Vienne et de la région parisienne, absorbent l'essentiel de la production, puis après l'effondrement des commandes parisiennes, les débouchés sont plus diversifiés après 1925 (30 clients pour 75 livraisons en 1921, 60 clients pour 171 livraisons en 1927).  A la clientèle des grossistes, s'ajoute celle des détaillants.

Forte augmentation du prix du papier

Le prix moyen de vente du papier paille passe de 0,80 franc en 1921 à 1,30 franc en 1927 par kilo, soit une augmentation de près de 70%.

La guerre et la reprise de la production après la libération

Durant la seconde guerre mondiale, l'activité de la papeterie est fortement perturbée.  Durant deux ans, les machines sont totalement arrêtées.  Après la Libération, mais pour une courte période, la production reprend rapidement dans un contexte économique favorable.  Les savonneries de Marseille et les territoires d'Outre-mer représentent les principaux débouchés.

La vie dans l'entreprise : un témoignage

Francis A. Boddart, dans l'article déjà cité rapporte l'interview d'André Marsalaud qui a travaillé dans la papeterie de 1939 jusqu'à la fermeture en 1968.  Entré à l'âge de 25 ans, le témoignage de cet ancien contremaître sur la vie au sein de l'entreprise, est particulièrement précieux.

La fabrication

"On commençait par faire venir la paille à Malherbeaux.  C'était de la paille de seigle, d'avoine, de blé, qu'importe du moment que ce soit de la paille.  Il fallait que la fibre puisse tenir.  La paille était mise dans un grenier.  Deux hache-paille coupaient cette paille à une longueur de cinq centimètres La paille était amenée par des trappes dans une cuve.

Quand la cuve était bien pleine, on l'arrosait avec du lait de chaux vive qui venait de Terrasson.  La paille était mise à macérer quatre ou cinq jours dans des fosses selon le besoin.  A la sortie, la paille était "sèche". On la passait sous les meules. La paille n'était pas broyée. Elle était compressée, épluchée, écrasée. Cette pâte était ensuite transportée dans des tombereaux, qui faisaient bien six m3, et qui étaient tirés par des bœufs de race Salers, à l'usine de Vaux.

La pâte était mise dans un cuvier, bien délayée, avec plus d'eau que de pâte.  Une pompe la remontait dans deux raffineurs.  La pâte était ensuite brassée dans une autre cuve, passait par des épurateurs et ensuite en machine.  Elle y était pressée à bloc.  Après, le papier était séché".

Les hommes

"On était environ vingt-cinq.  Mais on ne Se mélangeait pas entre Vaux et Malherbeaux.  Il y avait onze ouvriers en bas (Malherbeaux).  Quatre ou cinq au grenier, quatre pour les roues, deux charretiers, un qui montait la pâte et puis un menuisier.

A Vaux, nous étions cinq ou six en principe.  Un au cylindre, un à la machine, un à la chaudière et deux emballeurs.  Sept ou huit femmes travaillaient à la papeterie... pour le pliage.  Beaucoup d'ouvriers ne faisaient qu'une saison".

Le salaire

"Cela ne payait pas.  Les ouvriers ne gagnaient que 13 francs.  J'ai commencé à 10 francs (en 1939).  A l'usine, je touchais 18 francs, 5 francs de plus que les autres parce que j'avais des responsabilités" (en 1941).

Les conditions de travail

"On travaillait aussi bien le dimanche que la semaine.  On faisait douze heures par jour.  En usine, en haut, on était quatre pour 24 heures.  Alors on faisait 12-12.  Pendant quinze jours, on se couchait à minuit, et pendant quinze jours on se levait à minuit.  En fait pour embaucher à minuit, il fallait qu'on se lève à onze heures.  C'était fatigant.

En 1968, on ne travaillait plus la nuit, sauf à Malherbeaux, ou on faisait les 3 X 8. mais il y avait une bonne ambiance de travail".

Le déclin et la fermeture en 1968

Après les années de prospérité de l'après-guerre, une crise durable s'abat sur la papeterie de Vaux-Malherbeaux qui conduira à sa fermeture en 1968. La matière première vient à manquer.  La région ne produit plus suffisamment de paille.  Il faut la faire venir de l'Indre, de la Charente, de la Marne en 1956... la paille est de plus en plus remplacée par le vieux papier.  Le marché traditionnel du papier paille s'effondre.  De nouveaux papiers apparaissent sur le marché de l'emballage des produits alimentaires.  Dans les années 50, beaucoup de petites entreprises doivent fermer définitivement.

La fabrique de Vaux développe la production du papier pour sac d'emballage, et dans les années 60 jusqu'à sa fermeture en 1968, elle produit essentiellement du carton à partir de papier recyclé destiné aux cartonnages ondulés / caisses.

UN SITE D'ARCHEOLOGIE INDUSTRIELLE A REHABILITER

L'ancien site de production de pâte à papier à Malherbeaux a été détruit par ses nouveaux propriétaires en 1993.  Une construction moderne englobe d'anciennes structures de la forge-papeterie dans le décorum. La papeterie de Vaux, cédée par madame Ragot à la commune de Payzac, fait l'objet d'un projet de réhabilitation.  Les bâtiments conservent une chaîne de fabrication du papier, montée vers 1865, dans des ateliers d'Angoulême.  Les abords immédiats du site ont été dégagés au début de l'année 1995 par les "Chantiers du petit patrimoine périgourdin"' ou C 3P.

Un projet d'action culturelle autour du papier est actuellement à l'étude. La région de Payzac joue la carte de l'archéologie industrielle (papeterie de Vaux, forge de Savignac-Lédrier) et de l'architecture rurale traditionnelle (granges ovalaires).  Ce sont d'indéniables attraits touristiques pour cette région du Périgord aux frontières du Limousin.

Bibliographie :

- La papeterie de Vaux-Malherbeaux. Article de Francis A. Boddart paru dans le bulletin de la Société Historique et
Archéologique du Périgord, T. CXXI, 1994
- Notes concernant la papeterie de Vaux à Payzac - Rapport de 0. Peaucelle, octobre 1987
- Payrac, Histoire, histoires. P. Thibaud, Editions Copédit
- L'Auvézère et la Loue.  P. Thibaud, Editions Fanlac
- Papier, papeteries, papetiers.  Une mémoire pour des perspectives.  A.I.C.A.R.P.A

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